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Un framework pour évaluer un CEO

Évaluer la compétence d'un dirigeant d'entreprise est un aspect fondamental de l'investissement en Bourse. On entend parfois qu'un ceo est un bon "allocateur de capital" mais il ne s'agit qu'un d'un aspect du métier de ceo. Je lis aussi parfois que tel dirigeant est un "outsider" mais il s'agit d'un concept plutôt flou et facile à employer à toutes les sauces.

Patricia Pitcher, professeur à HEC Montréal, a développé un framework que je trouve fascinant pour classer les dirigeants dans nos organisations :

Il y a les "artistes" qui sont les entrepreneurs visionnaires et intuitifs. Les "artisans" qui sont les travailleurs honnêtes et réalistes. Et les infâmes "technocrates" qui sont davantage préoccupés par les structures et la technique que par les aspects humains du management.  

Pour une description plus détaillée :  http://www.yvanc.com/016 patricia pitcher.htm

Voici une excellente entrevue avec madame Pitcher avant son décès en 2014 :


En voici un extrait :

Q: Diriez-vous que c'est un trait commun des technocrates de cesser d'investir pour augmenter les profits à court terme ?

R: Oui, pour bien paraître dans l'immédiat, ils sont prêts à sacrifier l'avenir de leur organisation. De toute façon, quand le désastre surviendra, ils seront déjà partis ailleurs.

Q: Vous faites un lien curieux entre technocrate et psychopathe. En quoi se ressemblent-ils ?

R: Tous les deux peuvent être dangereux. Ce sont des cas de développement interrompu. Ils n'apprennent pas de leurs erreurs parce qu'ils sont convaincus qu'ils n'en font jamais. Ils ne tolèrent aucun autre style. Et on ne peut pas les changer parce que ce n'est pas un logiciel qui est défectueux, mais le disque dur !

Q: Guichet unique, synergie, qualité totale, réingénierie, alliances stratégiques, décentralisation, etc. Vous ne semblez pas porter les consultants dans votre coeur ?

R: Le métier de consultant est un terrain de prédilection pour les technocrates. Ils ont plein de beaux concepts à vendre mais ce ne sont pas eux qui les implantent, et ce n'est pas avec leur argent non plus qu'ils sont implantés.


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Selon moi, des personnages comme Mike Pearson de Valeant (un ancien consultant de McKinsey...) et Eddie Lampert de Sears sont des exemples quasi parfait de technocrates.


Réponses

  • 9 Réponses trié par Votes Date
  • Très bon post Phil. 
  • Il y a par contre certains technocrates (de profession et de par leur style de management) qui ont fait du bon travail comme Lou Gerstner, un ancien de McKinsey qui a redressé IBM durant les années 90 ou encore Paul Tellier qui a transformé le CN d'une société de la couronne déficitaire en chemin de fer le plus efficient en Amérique du Nord. 


    Je ne classifierais pas Eddie Lampert comme étant un technocrate, je le qualifierais plutôt d’arbitragiste. Un actionnaire de Sears a déjà affirmé que Lampert se trouvait en quelque sorte à faire une gigantesque opération

    d'arbitrage en gérant la décroissance de Sears. Ce faisant, Lampert appliquait un peu ce qu’il faisait chez Goldman Sachs au début de sa carrière alors qu’il était arbitragiste. 



  • Tes exemples sont intéressants Bruno. Il faut comprendre que le type "technocrate" défini par Patricia Pitcher est essentiellement un style de gestion. Le fait de provenir du gouvernement ou d'une firme de consultant ne fait pas automatiquement de toi un technocrate. Les profils artiste et artisan peuvent exister dans ces organisations.

    Ce n'est pas clair pour moi que Gerstner et Tellier étaient des technocrates. Gerstner a eu la vision de réorienter IBM vers les services professionnels aux entreprises plutôt que de demeurer dans la vente de hardware. Ce genre de vision audacieuse pourrait correspondre davantage au type artiste.

    Pour Tellier, on pourrait argumenter qu'il a eu la seule approche réaliste possible en réduisant la taille du CN pour avoir du succès en tant que société privé. Il a aussi perdu son job de ceo de Bombardier car il ne voulait pas embarquer dans le projet de la C series. Ce sont des décisions terre-à-terre peut-être plus proche du profil artisan.

    Pour Lampert, il y a beaucoup d'éléments qui me font croire qu'il s'agit d'un technocrate à l'état pur. Plutôt que de s'intéresser aux fondements de sa business (créer une expérience en magasin, se soucier de l'opinion des ses clients, du moral de ses employés), le type préfère jouer avec les structures (faire des spin-off, créer un REIT). De nombreux articles on fait état qu'il ne tolérait pas les opinions dissidentes dans son équipe de management... un trait typique du technocrate.

    Mais bon, je reconnais que tout ça est un peu de la gérance d'estrade. Il faudrait étudier chacun de ces dirigeants en détail pour pouvoir vraiment déterminer leur profil.

    Il reste que le livre de madame Pitcher est vraiment fascinant, j'en recommande la lecture à tous ceux intéressés par les différentes formes de leadership dans les organisations. 
  • @philrancourt

    Je suis d'accord avec ton raisonnement. J'ai lu que Lampert fait compétitionner quelques dizaines de divisions à l'intérieur de Sears entre elles pour le budget annuel d'investissement ce qui semble être une approche très peu orthodoxe; jumelé au fait que comme tu dis, il aime bien jouer avec les structures ça ferait de lui un certain type de technocrate. 

  • Il reste que le livre de madame Pitcher est vraiment fascinant, j'en recommande la lecture à tous ceux intéressés par les différentes formes de leadership dans les organisations. 
    J'approuve, un ami me l'avait offert il y a qq années et c'est un excellent livre.
  • Intéressant comme réflexion. 

    Pour ma part, je préfères évaluer la dynamique du management au complet. Il y a tellement de situations où c'est une combinaison d'un CEO et d'un ou de plusieurs autres personnes qui sont au sommet dans leur domaine (COO, CTO, CFO) qui font le succès d'une entreprise. 

    Des fois, ça peut même être un directeur artistique ou un designer qui y va d'une énorme contribution qui marque plusieurs cycles d'affaires (par exemple, Chris Metzen chez Blizzard, Jon Ive chez Apple).
  • Pour ma part, je préfères évaluer la dynamique du management au complet. Il y a tellement de situations où c'est une combinaison d'un CEO et d'un ou de plusieurs autres personnes qui sont au sommet dans leur domaine (COO, CTO, CFO) qui font le succès d'une entreprise.
    C'est vrai. Sauf que ça prend un CEO qui est capable de s'entourer de personnages forts et qui ne se sent pas menacé par eux. Un dictateur qui ne supporte pas la divergence d'opinion et les débats va plutôt avoir tendance à s'entourer de "yes men" faiblards. C'est pourquoi le style de leadership du grand boss est tellement crucial.

     
  • avril 2016 modifié Vote Up0Vote Down
    Phil, un article intéressant ce matin qui aborde le sujet indirectement mais complémentaire.


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